La lecture de livre, le jeu symbolique et la socialisation langagière familiale. Une approche des inégalités par la sociologie du langage

À propos

Intervenant : Bertrand Geay (Circeft-Escol, Université Paris 8)

On s’interrogera dans cette communication sur les conditions dans lesquelles les enfants, au cours des premières années de leur vie, acquièrent, dans le flux de communications intra-familiales dominées par la langue orale, une première familiarité avec l’écrit et avec le discours second (Bakhtine, 1984), un sens du récit et un sens de l’argumentation, qui leur sont ensuite particulièrement utiles dans les apprentissages scolaires. La place accordée au langage dans l’économie sociale et affective de l’entre-soi familial (Bernstein, 1975) mais aussi plus spécifiquement les manières familiales de faire avec le langage, d’interpréter les situations de langage et d’y accoutumer le jeune enfant, seront placées au cœur de l’analyse, en lien avec le rapport au monde et avec les caractéristiques sociales des parents, avec les caractéristiques singulières de la famille (Bautier, 1989 et 1995).

Pour saisir les dynamiques de socialisation langagière, cognitive et morale à l’œuvre, et la place qu’y prennent activement les parents, on fera un détour par les usages que font les parents de la lecture d’histoire, largement différents d’un milieu et d’une famille à l’autre (Fernald et al., 2013 ; Bonnéry, 2014). On s’attardera aussi sur l’investissement que les enfants eux-mêmes font du jeu symbolique, selon des logiques variant avec le milieu, le sexe et le style particulier de la vie de famille, en rejoignant ici des perspectives classiques sur la place du jeu dans le développement du langage et de la cognition (Vygotsky, 1967; Bruner, 1983 ; Lautrey, 1980). On en viendra enfin aux types de productions langagières observées quelques années plus tard. Méthodologiquement, on approchera ces questions sous un angle longitudinal, en évoquant quelques jalons de parcours enfantins de la naissance à 5 ans et demi, à partir de résultats des enquêtes ELFE (Etude Longitudinale Française depuis l’Enfance, Investissements d’Avenir, INED- INSERM) et Génération 2011 (cohorte qualitative conduite parallèlement à ELFE, CURAPP-ESCOL).

On s’interrogera pour conclure sur la place que peut prendre l’école face aux inégalités constatées aux âges les plus précoces, inégalités qui, dans les conditions actuelles, sans relever d’un mécanisme implacable et linéaire, semblent avoir de bons risques de s’amplifier tout au long de la scolarité (Bautier, 2006 et 2007 ; Joigneaux, 2009).