Étudier les différences socio-langagières pour comprendre les inégalités sociales et scolaires
Citer ce document
À propos
L’apparition de l’écriture a permis l’émergence d’une forme langagière nouvelle : le texte. Ensemble d’énoncés qui peut survivre au présent de la parole, il doit pouvoir être compris en dehors des situations et des pratiques en lesquelles il a été produit.
Comme tel il convient au mode scolaire de transmission, laquelle s’opère à l’écart des pratiques sociales, qu’il s’agisse de celles qui sont à la source des savoirs ou de celles qui en font usage. Cette textualité des savoirs scolaires en constitue une caractéristique à la fois langagière et épistémologique. Ce sont ses conséquences que nous tenterons d’explorer.
Les savoirs scolaires affichent une saisie du monde qui dépasse en généralité et en généricité la singularité des situations et la diversité des expériences individuelles. Les réalités naturelles et sociales s’y révèlent, non plus comme une accumulation de contingences, mais comme s’inscrivant dans une nécessité accessible à la raison. Ces savoirs, lorsque s’opèrent les sauts cognitifs qu’ils exigent, conduisent les élèves à se déprendre de leurs croyances et de leurs opinions spontanées.
Mais l’accès au sens de tels savoirs reste problématique du fait de leur textualité. Dans la mesure où ils s’affranchissent des situations singulières, ils doivent être autosuffisants et ne tenir leur sens que de l’articulation mutuelle des différentes propositions dont ils sont constitués. Au lieu de comprendre un énoncé par référence aux situations qu’il vit ou qu’il connaît, l’élève est invité à comprendre chaque proposition dans son rapport aux autres propositions du même texte. Cet usage du langage, radicalement différent de l’usage ordinaire, est susceptible d’entraîner des inégalités de compréhension, si rien n’est fait pour initier les élèves à son fonctionnement.
En outre, le sens d’un texte ne ressort jamais mécaniquement de son enveloppe signifiante et exige des élèves une intervention active. Enfin, le texte requiert que l’élève se rende attentif au caractère explicatif du savoir, afin d’y voir autre chose qu’un agrégat de remarques descriptives. Cette attitude est loin d’être spontanée: comme le remarque Bachelard, le discours scientifique tend souvent à être un rationalisme pour celui qui l’émet et un empirisme pour celui qui l’écoute ou le lit.
Du fait de ces caractères, la textualité des savoirs scolaires est un facteur d’inégalités d’apprentissage et de réussite scolaire. Nous terminerons en examinant à quelles conditions les dispositifs pédagogiques pourraient échapper à ces difficultés.
Sujets
Auteur
Source
Date
Identifiant
Droits d'accès
Conditions d'utilisation
Domaine (Dewey)
Recherche catalogue
Rechercher des documents connexes dans ces catalogues: