La place des autrices dramatiques dans l’histoire du théâtre de France, à travers l’étude de la période des Lumières. Dans quelle mesure peut-on parler de matrimoine ?

À propos

Dans son dossier de presse pour l’édition 2020 des « Journées du Matrimoine », l’association HF Île-de-France s’intéresse à la place accordée aux femmes dans le secteur artistique. Un chiffre est particulièrement intéressant, celui du nombre d’autrices dans la programmation des théâtre nationaux pour la saison 2018-2019, qui est de 26% seulement.

Cette donnée interroge lorsqu’on sait que l’on trouve une majorité de femmes qui se dirigent vers des études culturelles, comme l’indique le rapport « Inégalités entre les hommes et les femmes dans les arts et la culture » du Haut Conseil à l’Egalité en 2018. De fait, elles sont 6/10ème à se lancer dans des études artistiques, mais ne sont plus que 2/10ème à des postes de direction et 1/10ème des artistes récompensées. La forte présence des femmes dans les études artistiques devrait pourtant être ressentie par la suite dans la programmation et la direction des lieux culturels. D’autre part, comme le précise très justement Aurore Evain dans l’introduction de l’anthologie Théâtre de femmes de l’Ancien Régime, les jeunes metteuses en scène etdramaturges sont sans cesse comparées à des pionnières, comme si elles étaient les premières de l’histoire du théâtre à écrire et mettre en scène, puisque que les femmes n’auraient pas investi ces métiers avant le XXe siècle. Les femmes auraient-elles donc du mal à se faire une place dans le théâtre contemporain français du fait de leur jeunesse dans cet exercice ? La patience serait-elle de mise avant de dénoncer une forme d’inégalité ?

Lorsque l’on s’intéresse à l’histoire du théâtre français et le répertoire sous un autre angle, en allant explorer les interstices d’une histoire au masculin, une histoire qui parle exclusivement de patrimoine, on découvre une grande quantité d’œuvres écrites et mises en scène par des femmes à travers l’histoire, comme nous allons le voir. Les femmes, tous secteurs d’activité confondus, semblent mises en marge de l’histoire des hommes, phénomène dénoncé par des historiennes dont nous étudierons les discours en détail, à l’image de Gabrielle de Plancy, qui cherche à proposer une histoire qui rendrait compte de leur puissance et de leur légitimité historique :

"Il ne s’agirait point de faire leur panégyrique mais uniquement d’ouvrir l’histoire, et de prouver par ce témoignage incontestable, leurs diverses qualités et leurs capacités morales et physiques ; de les montrer partout, sur toutes les scènes et dans tous les âges, livrées tour à tour aux lettres, aux sciences, aux arts, aux différentes industries, à la vie morale, laborieuse, politique, scientifique et intérieure ; de faire valoir ce dont elles sont capables, et jusqu’où le gouvernement, les lois, les coutumes et les circonstances pourraient les élever ; d’apprécier, enfin, ce qu’elles sont, ce qu’elles ont été, ce qu’elles pourraient être. Les faits sont la meilleure apologie."

Il y aurait donc bien une histoire des femmes qui se révèlent être actrices de la construction et des transformations de leur société. De ce fait, il y aurait donc logiquement une histoire du théâtre fait par les femmes qui aurait été occultée, et sur laquelle les artistes ne peuvent pas s’appuyer pour justifier leur présence et les inégalités dont elles sont victimes.