Religion et autoritarisme gouvernemental aux Philippines : une étude des disciplines à l'aune du groupe protestant évangélique Born Again

À propos

« Que le Seigneur continue à bénir notre pays et le Président ! En route vers trois autres années de présidence Duterte ! En route vers des Philippines plus progressistes et sans corruption ! Chers Amis guerriers de la prière, continuons à prier sans cesse ».
« Notre président nous protège de tout mal dans notre pays ! Prions, que Dieu guide toujours notre président et prenne toujours soin de lui, amen ».
« Avant de nous endormir ce soir et tous les soirs suivants, prions à voix basse pour notre pays et ses dirigeants. Surtout, dites une prière spéciale au Seigneur pour qu'il bénisse et protège notre président. Une nuit reposante et des bénédictions pour vous tous ».
Ces trois prières ont été postées par des membres du groupe chrétien évangélique Born Again, sur la page Facebook du groupe éponyme. Elles demandent à ses membres de prier pour le président de la République des Philippines, Rodrigo Duterte et son gouvernement.

Rodrigo Duterte a été élu à la présidence des Philippines en 2016 et ne manque pas une occasion de se faire remarquer par son langage sulfureux. Le musicien Jim Paredes le critique, il rétorque publiquement « Jim Paredes dit que je suis immoral. Fils de pute, tu as une petite bite ». Florin Hilbay se présente aux élections sénatoriales sur une liste opposante, Duterte dit : « Il agit comme un homme et prétend qu'il a une petite amie. Sois fidèle à toi-même. Tu es gay. Ne te cache pas derrière une couverture. Tu as été créé par Dieu. Dieu a fait une erreur. Ce n'est pas parce que c'est un Dieu qu'il est incapable de faire des erreurs ». Une religieuse est violée et tuée dans la ville dans laquelle il était maire avant de devenir président et lui dit que : « J'ai regardé son visage, fils de pute, elle ressemble à une belle actrice américaine. Fils de pute, quel gâchis. Ce qui m'est venu à l'esprit, c'est qu'ils l'ont violée, ils ont fait la queue. J'étais en colère parce qu'elle a été violée, d'accord. Mais elle était si belle, le maire aurait dû être le premier. Quel gâchis ».

Depuis 2016, le langage sexiste, homophobe et autoritaire de ce président est présent de manière quotidienne dans l'archipel : radio, télévision, journaux le relaient constamment. De manière apparemment paradoxale, le président explique agir selon le désir de Dieu et utilise le langage religieux de manière récurrente, tout en insultant l'Église catholique : « La putain de vos mères vous les prêtres. L’Église doit trouver son identité » ou encore « L'Église catholique va disparaître. Dans 25 ans, elle aura disparu ».

Cet homme de 76 ans est né durant la période coloniale américaine. Il a été maire de la troisième ville de l'archipel, Davao City, à quatre reprises et également congressman [député]. Il a étudié les sciences politiques. Il déclare régulièrement avoir été sexuellement abusé par un prêtre jésuite lorsqu'il était enfant et tué deux personnes qui se moquaient de lui lorsqu'il était étudiant. Il a d'ailleurs été renvoyé à deux reprises de l'université dans laquelle il étudiant pour mauvaise conduite9. Il s'agit d'une personnalité complexe, dont la présidence amplifie certains enjeux dont je vais faire cas dans ce rendu de recherche. Je vais démêler les éléments que je viens de citer, autour de la problématique suivante : en quoi des groupes protestants évangéliques peuvent-ils contribuer à l'architecture d'une société punitive aux Philippines.