Les intrigues du geste : pour une approche figurale du geste dansé

À propos

La danse est un travail de la figure humaine. Mais ce travail est moins figuratif que figural, si l’on admet avec Gilles Deleuze que la figure figurative est la forme sensible rapportée à l’objet, tandis que la figure figurale est la forme sensible rapportée à la sensation. Le travail de la figure en danse, au sens figural qu’on lui donne ici, est donc décrit comme le travail de la sensation faite image, au moyen d’intrigues perceptives impliquées dans la fabrique du geste dansé.Les intrigues du geste sont à comprendre de façon bijective aux expériences des danseur.euse.s et des spectateur.rice.s, dans un miroitement entre l’avènement chorégraphique du geste et son événement esthétique : une figure se lève au-devant du geste dansé quand les uns et les autres se font voyants d’une image virtuelle, une semblance, une allure, un hiatus entre l’aperçu et l’imperçu, un débrayage dans les coutumes perceptives.En croisant les savoirs empiriques des danseurs et certaines ressources théoriques de la philosophie de l’art, de la phénoménologie et de la clinique, cette étude vise à éclairer l’expérience figurale du geste dansé dans ses dimensions somatiques (une émulation de l’imaginaire radical, ou imaginaire de la sensation), esthétiques (un travail des figurabilités du geste), et éthiques (une expérience de l’art qui veut la participation).Stéphane Mallarmé et Loïe Fuller, Yasmine Hugonnet, Vaslav Nijinski et Dominique Brun, Laurent Pichaud, Lisa Nelson et Loïc Touzé sont quelques-uns des noms qui orientent cette enquête à travers les scènes et les studios de danse, les différentes intrigues (du milieu, de l’articulation, du désir, de la voyance) et les « cas de figures » qu’ils y inventent : motifs chorégraphiques, pratiques somatiques et ludiques, pièges à danser et pièges à voir, « appâts pour les sentirs ».

Dance works with the material of the human figure. But this work is less figurative than figural, if we accept Gilles Deleuze’s proposal that the figurative figure is a sensitive form related to objects, while the figural figure is a sensitive form related to sensations. The dancing figure, in the figural sense carried by it here, works to make sensation into image, by means of perceptual intrigues implicated in the fabrication of the danced gesture. The intrigues of gesture are to be understood in a bijective way, relative to the experiences of both the dancers and the spectators, as a shimmering between the choreographic advent of the gesture and its aesthetic event: a figure emerges from a danced gesture when both position themselves as clairvoyant of a virtual image, a semblance, an allure, a hiatus between between different moments of a perception, a shift in perceptual habits.     By combining the empirical knowledge of dancers and certain theoretical resources from the philosophy of art, phenomenology and clinical practice, this study aims to shed light on the figural experience of danced gestures in ways that are in turns somatic (an emulation of radical imagination, or an imagination of sensation), aesthetic (a work on the figurability of gestures), or ethical (an experience of art oriented toward participation).    Stéphane Mallarmé and Loïe Fuller, Yasmine Hugonnet, Vaslav Nijinski and Dominique Brun, Laurent Pichaud, Lisa Nelson and Loïc Touzé are some of the names that guide this investigation, by way of stages and dance studios, different intrigues (intrigues of the milieu, of articulation, of desire, of clairvoyance) and the strategies they invent within: choreographic motifs, somatic and play practices, traps for dancing and traps for seeing, “lures for feelings.”