Dakar, proie des eaux : sociologie de la ville catastrophée

À propos

Depuis une vingtaine d’années, des inondations importantes touchent de plus en plus de villes africaines, sahéliennes notamment, et plus généralement de très nombreuses villes à travers le monde. Ce qui frappe dans ces événements, c’est moins leur ampleur que la régularité de leur manifestation. Il semble que la catastrophe s’y soit installée dans le paysage urbain pour ne plus en partir, effaçant de la carte des quartiers entiers, et menaçant les possibilités de vie dans ces environnements bouleversés. A partir de l’analyse des inondations frappant les quartiers populaires de la banlieue de Dakar depuis la fin des années 1980, l’enjeu de cette thèse est de faire émerger un objet de comparaison, celui de la ville catastrophée. Si les sciences sociales se concentrent depuis quelques années sur la « vie dans les ruines », caractéristique des paysages de l’anthropocène, peu d’études se sont encore consacrées à la description et l’analyse de ces paysages en ville. A Dakar, la ville catastrophée est le produit d’histoires imbriquées de modes d’urbanisation, de pratiques d’habiter, d’évolutions géologiques et climatiques, et de formes d’action publique visant la transformation et l’aménagement du territoire. Dans cet environnement urbain particulier, se constituent des « agencements » d’action publique visant la gestion de la catastrophe et l’adaptation du territoire aux inondations. J’en distingue trois, des agencements « labiles structurés », « infrastructurels » et des plateformes internationales d’action publique. Ces derniers caractérisent, sans doute avec d’autres, l’action publique dans ce qui est en passe de devenir l’une des modalités de la ville contemporaine.

Over the past twenty years, major floods have been affecting African cities, particularly in the Sahel, and more generally many cities throughout the world. What is striking about these events is less their scale than the regularity of their occurrence. It seems that the disaster has taken hold in the urban landscape, erasing entire neighbourhoods from the map and threatening the possibilities of life in these disrupted environments. Based on the analysis of the floods which have come to characterized precarious neighbourhoods in the suburbs of Dakar since the end of the 1980s, the challenge of this thesis is to bring out an object of comparison, that of the catastrophized city. Although the social sciences have for some years now focused on 'life in the ruins' or 'in the wreckage', characteristic of the landscapes of the Anthropocene, few studies have yet been devoted to the description and analysis of these landscapes in the city. In Dakar, the catastrophic city is the product of interwoven histories of modes of urbanisation, living practices, geological and climatic changes, and forms of public action aimed at the transformation and development of the territory. In this urban environment, "assemblages" of public action aimed at disaster management and adaptation of the territory to flooding are formed. I can distinguish three of them: "structured labile", "infrastructural" and international public action platforms. The latter, undoubtedly along with others, characterise public action in what is becoming one of the modalities of the contemporary city.