La Conférence d'Algésiras

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Tardieu, André (1876-1945), “La Conférence d'Algésiras,” Bibliothèque numérique Paris 8, consulté le 19 avril 2024, https://octaviana.fr/document/FJDNM003.

À propos

Monographie du fonds Jean Dresch.

"La conférence d'Algésiras a marqué le dénouement de la crise la plus grave que la France ait traversée depuis 1875. Elle a tenu en haleine, trois mois durant, la curiosité du monde. Puis, l’accord établi, elle est tombée dans un oubli dont n'a pas suffi à la tirer la publication du Livre Jaune enregistrant ses protocoles.
Cette prompte insouciance s’explique par bien des raisons : d'abord par une tendance nationale à la sécurité et à l’optimisme, ensuite et surtout par l'ignorance où est restée l'opinion des conditions réelles d’un débat, dont Algèsiras ne vil que la plus médiocre part et qui eut pour théâtre l’Europe et l'Amérique. C'est à dissiper cette ignorance que ce livre est destiné. Ceux-là seuls le trouveront prématuré qui prétendent imposer à une démocratie les actes de foi diplomatiques que les régimes absolus exigent de leurs sujets.
Quotidiennement mêlé par mes « Bulletins » du Temps à la discussion de l’affaire marocaine, j'ai soutenu, pendant ces semaines de lutte, ce que je croyais la vérité avec énergie et avec passion. Peut-être n’en faudra-t-il pas plus pour que certains aujourd'hui me reprochent de manquer d'impartialité. A cette accusation, ce volume, purement historique et documentaire, répondra pour moi.
Je l'ai écrit sans parti pris comme sans complaisance, en donnant la part large à l'exposition des faits, en réduisant au minimum les appréciations personnelles. Si la politique allemande apparaît, dans les pages qui suivent, souvent inquiétante et inamicale, ai-je besoin d’ajouter que personne en France ne songe à en rendre l'Allemagne responsable ? Les fautes du gouvernement impérial lui sont personnelles. Il est utile de les connaître, légitime de les préciser. Ce n’est pas là faire acte d'hostilité contre une grande nation qui mérite et possède l'estime du peuple même qui a le plus souffert par elle.
Me sera-t-il d’ailleurs permis de rappeler que, durant les huit mois qui ont précédé la réunion de la conférence, j’ai été de ceux qui croyaient à la possibilité d’une entente que la diplomatie allemande nous promettait honorable ? Si, du 15 janvier au 26 mars 1906, cette confiance a été trompée et si les hommes politiques et les publicistes, qui avaient en France un avis à exprimer, ont alors affirmé leur surprise, à qui la faute ? Le gouvernement allemand s'est plaint de la véhémence de l’opinion française. C'est lui qui l’avait déchaînée par l'équivoque de sa diplomatie et la violence calculée de sa presse officieuse. Et il l’a justifiée finalement, en acceptant, après dix semaines de résistance ', les solutions que, dès le début, nous avions recommandées à l'Europe.
Les renseignements le plus souvent inédits, que j’ai coordonnés et contrôlés après les avoir recueillis dans la plupart des pays représentés à la conférence, s'enchaînent historiquement avec une rigueur qui me dispense d’insister sur leur exactitude. On pourra discuter leur interprétation. On ne contestera pas leur authenticité. Ils se divisent en trois séries parallèles : discussions publiques à la conférence, pourparlers confidentiels entre plénipotentiaires, négociations entre chancelleries. C'est de ces trois sources inséparables que devait se composer l’histoire diplomatique de la conférence. C’est à concentrer cette histoire — fragmentairement connue et parfois totalement ignorée jusqu'ici, — que s’est appliqué mon effort.
Dans une première partie, j'ai montré les thèses, les droits et les intérêts en présence ; le milieu politique et local ; la rencontre des délégués; leurs travaux économiques, simple escarmouche avant le combat. La seconde partie analyse les tractations secrètes des plénipotentiaires français et allemands en vue cl un accord direct ; l intervention des puissances dans ces tractations inutiles; la faillite de ces entretiens à huis- clos. La troisième partie raconte la crise delà conférence; les débats publics sur les questions capitales de la Banque et de la Police-, le premier vote-, ses effets heureux; puis le recul provoqué par la chute du ministère Bouvier. La quatrième partie retrace les efforts de M. Léon Bourgeois pour rétablir la situation compromise; l’acheminement laborieux vers l'entente; les dernières discussions sur l’inspection et la répartition des ports. L'ordre chronologique et l’ordre logique se confondent ainsi d'un bout à l’autre.
Quelque conclusion que les lecteurs doivent tirer de cette histoire de trois mois, il n’était pas mutile que les données leur en fussent soumises et que l’opinion française fût saisie des pièces d'un procès, dont elle a retenu seulement le retentissant début et l'apaisante issue. Il n’y apas pour les peuples de meilleure école que la vérité. Et il n’est jamais trop tôt pour les y conduire."

Extrait tiré de la préface de l'ouvrage.

Sujets

Maroc -- Relations extérieures -- 1757-1912 Maroc -- 20e siècle

Auteur

Tardieu, André (1876-1945)

Source

Paris 8, BU - Saint-Denis, Magasin 3, FJD 263

Éditeur

Paris : Félix Alcan

Date

1909

Identifiant

FJDNM003

Droits d'accès

Accessible à tous

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